PROJET DE LOI 14

Loi sur la participation aux affaires publiques

 

Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, édicte :

 

Définitions

 

1(1)             Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« action » Procédure civile introduite par avis de poursuite ou de toute autre manière prévue par les Règles de procédure prises en vertu de la Loi sur l’organisation judiciaire. (action)

 

« fin illégitime » S’entend au sens décrit au paragraphe (2). (improper purpose)

 

« s’exprimer » Être l’auteur d’une communication ou d’une conduite quelconque, verbalement ou non, en public ou en privé, en s’adressant ou non à une personne ou à une entité. (expression)

 

1(2)             Pour l’application du paragraphe 5(7), une action est intentée ou maintenue à une fin illégitime dans les cas suivants :

 

a)           le demandeur ne pouvait raisonnablement s’attendre de gagner son procès;

 

b)           l’action a pour fin principale l’une des fins suivantes :

 

(i)      dissuader le défendeur d’exercer l’immunité décrite au paragraphe 3(1) ou de s’exprimer sur une question d’intérêt public,

 

(ii)     dissuader d’autres personnes d’exercer l’immunité décrite au paragraphe 3(1) ou de s’exprimer sur une question d’intérêt public,

 

(iii)   détourner les ressources du défendeur qui lui permettraient d’exercer l’immunité décrite au paragraphe 3(1) ou de s’exprimer sur une question d’intérêt public dans l’action,

 

(iv)    pénaliser le défendeur pour avoir exercé l’immunité décrite au paragraphe 3(1) ou s’être exprimé sur une question d’intérêt public.

 

Objets de la Loi

 

2                  La présente loi a pour objets :

 

a)           d’encourager les particuliers à s’exprimer sur les questions d’intérêt public;

 

b)           de favoriser une large participation aux débats sur les questions d’intérêt public;

 

c)            de décourager le recours aux tribunaux comme moyen de restreindre indûment la possibilité de s’exprimer sur des questions d’intérêt public;

 

d)           de réduire le risque que la participation du public aux débats sur des questions d’intérêt public ne soit entravée par la crainte de se faire poursuivre en justice.

 

Protection de l’immunité parlementaire en matière de liberté de parole

 

3(1)             Quiconque participe à un processus gouvernemental bénéficie de la possession, de la jouissance et de l’exercice des mêmes privilèges et immunités en matière de liberté de parole que ceux reconnus à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, ainsi qu’à ses comités et à ses membres, en vertu du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’Assemblée législative.

 

3(2)             Sans que soit limitée la généralité du paragraphe (1), « participer à un processus gouvernemental » vise notamment :

 

a)           toute déclaration écrite ou verbale ou tout écrit produit devant un comité, une audience ou une rencontre législatif, exécutif ou ministériel ou devant toute autre procédure officielle autorisée par la loi;

 

b)           toute déclaration écrite ou verbale ou tout écrit produit relativement à une question dont est saisi un comité, une audience ou une rencontre législatif, exécutif ou ministériel ou à l’occasion de toute autre procédure officielle autorisée par la loi.

 

Protection de la liberté d’expression dans des questions d’intérêt public

4                  Le fait pour une personne de s’exprimer sur une question d’intérêt public ouvre la voie à une immunité relative et, à cette fin, la communication ou la conduite par laquelle la personne s’exprime sur une question d’intérêt public est réputée d’intérêt à l’endroit de toutes les personnes qui, même indirectement, selon le cas :

 

a)           reçoivent la communication;

 

b)           sont témoins de la conduite.

 

Ordonnance de rejet

5(1)             Sur motion d’une personne à qui une action est intentée, le juge doit, sous réserve du paragraphe (2), rejeter l’action contre elle, si elle lui démontre que l’action découle :

 

a)           soit de l’exercice par elle de l’immunité visée au paragraphe 3(1);

 

b)           soit du fait qu’elle s’est exprimée sur une question d’intérêt public.

 

5(2)             Le juge ne doit pas rejeter l’action mentionnée au paragraphe (1) si la partie intimée lui démontre que les conditions suivantes sont réunies :

 

a)           il y a raison de croire, à la fois :

 

(i)      que l’action n’est ni frivole ni vexatoire,

 

(ii)     que l’auteur de la motion n’a pas de défense valable dans l’action;

 

b)           le préjudice que la partie intimée va vraisemblablement subir ou a vraisemblablement subi du fait que l’auteur de la motion a exercé l’immunité ou s’est exprimé est suffisamment grave pour que l’intérêt public à ce que l’action puisse aller de l’avant l’emporte sur l’intérêt public à ce que soit protégé l’exercice d’immunité ou la possibilité de s’exprimer.

 

5(3)             Une fois qu’une motion a été présentée en vertu du présent article, les parties ne peuvent procéder dans l’action tant qu’il n’a pas été statué de façon définitive sur la motion, y compris sur tout appel de la motion.

 

5(4)             Sauf ordonnance contraire d’un juge, la partie intimée ne doit pas être autorisée à modifier ses plaidoiries dans l’action aux fins suivantes :

 

a)           empêcher ou éviter que soit rendue, en vertu du présent article, une ordonnance en rejet de l’action;

 

b)           si l’action est rejetée en vertu du présent article, continuer l’action.

 

5(5)             Lorsque l’action est rejetée en vertu du présent article, l’auteur de la motion a droit aux dépens entiers afférents à la motion et à l’action, à moins que le juge ne décide que cette mesure n’est pas appropriée dans les circonstances.

 

5(6)             Si le juge s’abstient de rejeter l’action en vertu du présent article, la partie intimée n’a pas droit aux dépens afférents à la motion, à moins que le juge ne décide que cette mesure est appropriée dans les circonstances.

 

5(7)             Le juge qui rejette une action en vertu du présent article après avoir conclu que la partie intimée a intenté l’action de mauvaise foi ou à une fin illégitime peut accorder à l’auteur de la motion les dommages-intérêts que le juge estime appropriés.

 

Introduction de la motion

6(1)             La motion en rejet d’action que vise l’article 6 est régie par les Règles de procédure, sous réserve des règles énoncées au présent article, et peut être présentée à tout moment après l’introduction de l’action.

 

6(2)             Toute motion présentée en vertu de l’article 5 est entendue dans les 60 jours qui suivent son dépôt à la cour.

 

6(3)             L’auteur de la motion obtient de la cour une date pour l’audition de la motion avant de procéder à la signification de l’avis de motion.

 

6(4)             Sous réserve du paragraphe (5), le contre-interrogatoire portant sur la preuve documentaire déposée par les parties ne doit pas dépasser une durée totale de sept heures pour l’ensemble des demandeurs dans l’action et de sept heures pour l’ensemble des défendeurs.

 

6(5)             Un juge peut prolonger les durées allouées pour le contre-interrogatoire portant sur la preuve documentaire, si l’intérêt de la justice le commande.

 

Audition de l’appel à la première occasion

7                  Tout appel d’une ordonnance régie par l’article 5 est entendu à la première occasion après la mise en état de l’appel par l’appelant.

 

Champ d’application

8                  La présente loi s’applique à toutes les actions introduites à partir du jour de la première lecture de la Loi sur la participation aux affaires publiques.

 

Loi sur la diffamation

9(1)             En cas de conflit entre les dispositions de la présente loi et la Loi sur la diffamation, les dispositions de la présente loi l’emportent.

 

9(2)             La Loi sur la diffamation, chapitre 139 des Lois révisées de 2011, est modifiée par l’adjonction de ce qui suit après l’article 17 :

 

Communications sur des questions d’intérêt public

18                Toute immunité qui s’applique à l’égard d’une communication verbale ou écrite portant sur une question d’intérêt public entre deux ou plusieurs personnes qui ont un intérêt direct dans la question s’applique, peu importe si des représentants des médias ou d’autres personnes sont témoins ou font état de la communication ou font la radiodiffusion ou la télédiffusion de celle-ci.