PROJET DE LOI 39
Loi sur les changements climatiques
Préambule
Les données scientifiques sur les changements climatiques sont claires. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, principal organe international chargé d’évaluer le changement climatique, prévoit qu’une hausse des températures mondiales supérieure à 2 °C produira des conséquences irréversibles et catastrophiques. Le niveau actuel des émissions de gaz à effet de serre risque d’entraîner l’élévation des températures mondiales de 3,5 °C avant la fin du siècle. La planète entière fait face à cette menace. On prévoit que les températures au Canada augmenteront deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale. Les changements climatiques se manifestent déjà au Nouveau-Brunswick; on y constate une augmentation aussi bien des températures que des précipitations et du niveau de la mer. Dans l’avenir, on peut s’attendre à ce que le Nouveau-Brunswick connaisse un risque accru de problèmes de santé liés à la chaleur, de nouveaux parasites et nouvelles espèces envahissantes, de dommages causés par des inondations, d’érosion côtière, de vents extrêmes et de givrage des arbres et des lignes électriques.
L’Accord de Paris a été adopté le 12 décembre 2015 par 195 nations, dont le Canada, au titre de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Ce premier accord universel sur le climat juridiquement contraignant comporte l’engagement de prendre les mesures qui s’imposent pour contenir l’élévation de la température de la planète à moins de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels au cours de ce siècle et de déployer de vigoureux efforts pour limiter à 1,5 °C la hausse des températures. La mutation de l’économie mondiale est de mise afin de remplir cet engagement, exigeant notamment une réduction supplémentaire, considérable et permanente des émissions de gaz à effet de serre. Au Canada, les premiers ministres ont communiqué le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, preuve de leur engagement à mener un effort coordonné à l’échelle nationale afin de réduire de telles émissions.
À sa réunion du mois d’août 2015, la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l’Est du Canada adoptait une nouvelle cible régionale de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 35 % à 45 % en deça des niveaux de 1990 d’ici 2030 et réaffirmait les cibles régionales antérieures.
La population néo-brunswickoise a un rôle à jouer dans la lutte contre les changements climatiques; notamment, chacun doit comprendre de quelle façon il contribue aux émissions des gaz à effet de serre et changer ses habitudes afin de les réduire. À ce titre, le Nouveau-Brunswick s’engage à apporter sa propre contribution aux efforts déployés à l’échelle internationale, nationale et régionale. En décembre 2016, le gouvernement du Nouveau-Brunswick dévoilait son nouveau plan d’action sur les changements climatiques.
Le plan d’action sur les changements climatiques trace clairement la voie à suivre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en favorisant la croissance économique et en accroissant la résilience du Nouveau-Brunswick aux changements climatiques par l’adaptation. Il réclame entre autres la mise en place d’un mécanisme de tarification du carbone qui reflète les conditions économiques et sociales propres au Nouveau-Brunswick et qui tient ainsi compte des industries énergivores et tributaires des échanges commerciaux, des familles à faible revenu, des consommateurs et des entreprises.
La tarification du carbone représente une mesure efficiente et efficace qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre et elle remplira un rôle clé dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone au Nouveau-Brunswick. Or, la tarification du carbone, à elle seule, ne saura permettre au gouvernement du Nouveau-Brunswick d’atteindre ses niveaux cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’application de mesures additionnelles s’impose. Par conséquent, le gouvernement du Nouveau-Brunswick poursuivra des initiatives complémentaires afin d’appuyer et de promouvoir cette transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Pour ces motifs, Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, édicte :
Définitions
1 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
« carburant diesel » Mélange liquide d’hydrocarbures provenant du raffinage du pétrole destiné à alimenter les moteurs diesel. (diesel fuel)
« essence » S’entend selon la définition que donne de ce terme la Loi de la taxe sur l’essence et les carburants. (gasoline)
« Fonds » Le Fonds pour les changements climatiques institué en vertu de l’article 4. (Fund)
« gaz à effet de serre » S’entend : (greenhouse gas)
a)  du dioxyde de carbone (CO2);
b)  du méthane (CH4);
c)  de l’oxyde nitreux (N2O);
d)  de l’hydrofluorocarbone (HFC);
e)  du perfluorocarbone (PFC);
f)  de l’hexafluorure de soufre (SF6);
g)  du trifluorure d’azote (NF3);
h)  de tout autre gaz prévu par règlement ou de tout gaz appartenant à une catégorie de gaz prévue par règlement.
« ministre » S’entend du ministre de l’Environnement et des Gouvernements locaux et s’entend également de toute personne qu’il désigne pour le représenter. (Minister)
« ministre des Finances » S’entend du ministre selon la définition que donne de ce terme la Loi de la taxe sur l’essence et les carburants. (Minister of Finance)
« remboursement de la taxe sur l’essence » Celui que verse le ministre des Finances en application du paragraphe 3(6) de la Loi de la taxe sur l’essence et les carburants. (gasoline tax refund)
« remboursement de la taxe sur le carburant diesel » Celui que verse le ministre des Finances en application du paragraphe 6(5.2) ou (7) de la Loi de la taxe sur l’essence et les carburants. (diesel fuel tax refund)
« taxe sur l’essence » Celle qui est payée en application du paragraphe 3(1) de la Loi de la taxe sur l’essence et les carburants. (gasoline tax)
« taxe sur le carburant diesel » Celle qui est payée sur le carburant diesel en application du paragraphe 6(1) de la Loi de la taxe sur l’essence et les carburants. (diesel fuel tax)
Niveaux cibles des émissions de gaz à effet de serre
2 Le gouvernement du Nouveau-Brunswick vise la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la province de sorte qu’elles n’excèdent pas, pour l’année en question, les niveaux suivants :
a)  14,8 mégatonnes en 2020;
b)  10,7 mégatonnes en 2030;
c)  5 mégatonnes en 2050.
Plan d’action sur les changements climatiques
3( 1) Avant le 1er janvier 2017, le ministre élabore un plan d’action sur les changements climatiques énonçant des mesures qui permettront au gouvernement du Nouveau-Brunswick d’atteindre ses niveaux cibles d’émissions de gaz à effet de serre et d’accroître la résilience face aux effets des changements climatiques.
3( 2) Le ministre rend public le plan d’action sous la forme et selon le mode qu’il estime indiqués.
3( 3) Le plan d’action peut être révisé à tout moment et doit être examiné au moins tous les cinq ans.
3( 4) Si le plan d’action est révisé, le ministre le rend public sous la forme et selon le mode qu’il estime indiqués.
3( 5) Au moins une fois l’an, le ministre rédige un rapport d’étape qui décrit l’état d’avancement des mesures énoncées dans le plan d’action ainsi que les résultats et l’incidence des politiques de tarification du carbone.
3( 6) Le ministre rend public le rapport d’étape sous la forme et selon le mode qu’il estime indiqués.
Fonds pour les changements climatiques
4( 1) Est institué le Fonds pour les changements climatiques.
4( 2) Le ministre des Finances est le dépositaire du Fonds, qu’il détient en fiducie.
4( 3) Tous les intérêts produits par le Fonds y sont versés et en font partie intégrante.
4( 4) Le ministre des Finances peut à la fois investir l’argent du Fonds de la façon qu’autorise la Loi sur les fiduciaires et investir dans les valeurs émises conformément à la Loi sur les emprunts de la province.
4( 5) Le Fonds peut recevoir des contributions directes.
4( 6) Les contributions versées en application du paragraphe (5) et provenant de particuliers, de sociétés de personnes ou de personnes morales sont réputées constituer des dons à la Couronne du chef du Nouveau-Brunswick.
4( 7) Le paragraphe (6) ne s’applique pas aux contributions que verse un ministère ou un organisme du gouvernement du Nouveau-Brunswick ou du Canada ni une société de la Couronne provinciale ou fédérale.
4( 8) Sont portés au crédit du Fonds :
a)  les sommes qui y sont virées par le ministre des Finances en application de l’article 6;
b)  les dons et les legs qui y sont versés;
c)  les revenus provenant du placement des sommes portées au crédit du Fonds;
d)  tout montant y versé conformément aux règlements pris sous le régime de l’alinéa 10d);
e)  toute autre somme qu’il reçoit.
4( 9) L’actif du Fonds peut servir aux fins suivantes :
a)  payer le coût de mesures visant :
( i) la réduction, la limitation, l’évitement et la séquestration des gaz à effet de serre,
( ii) l’atténuation des conséquences économiques et sociales des efforts visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre,
( iii) l’éducation, la sensibilisation et la mobilisation du public relativement aux changements climatiques,
( iv) l’adaptation aux conditions climatiques actuelles et futures,
( v) le développement de partenariats régionaux et internationaux portant sur les changements climatiques et la participation du Nouveau-Brunswick à de tels partenariats,
( vi) la recherche, le développement et la mise à l’essai de mesures susceptibles d’entraîner soit une réduction des émissions de gaz à effet de serre, soit l’adaptation aux conditions climatiques actuelles et futures,
( vii) l’élaboration de politiques sur les changements climatiques ainsi que l’évaluation, le suivi et la communication des initiatives en matière de changements climatiques,
( viii) la réalisation de tout autre objectif relatif aux changements climatiques que fixent les règlements;
b)  rembourser tout ministère ou organisme du gouvernement du Nouveau-Brunswick ou toute société de la Couronne provinciale qui consent une avance afin de supporter les coûts des mesures visées à l’alinéa a).
4( 10) Il est entendu que l’actif du Fonds peut servir à payer toute dépense d’exploitation ou toute dépense en immobilisations qui est liée à l’une quelconque des mesures visées au paragraphe (9).
4( 11) Les paiements effectués aux fins d’application du paragraphe (9) sont imputés au Fonds et payables sur celui-ci.
4( 12) Le ministre nomme un comité consultatif du Fonds pour les changements climatiques composé d’un président et d’au moins quatre membres et chargé de le conseiller sur les questions visées aux paragraphes (8) et (9).
Attestation des coûts
5( 1) Sous réserve du paragraphe (2), le ministre atteste auprès du ministre des Finances les coûts engagés en vertu du paragraphe 4(9).
5( 2) Si la prise de l’une quelconque des mesures prévues au paragraphe 4(9) relève d’un ministre de la Couronne du chef du Nouveau-Brunswick autre que le ministre, l’autre ministre en question atteste les coûts engagés.
5( 3) Le ministre des Finances peut se fier aux coûts attestés en vertu du présent article.
Virement au Fonds d’une partie du revenu net provenant de la taxe sur l’essence et de la taxe sur le carburant diesel
6( 1) Ayant perçu la taxe sur l’essence, le ministre des Finances vire immédiatement au Fonds :  
a)  pour l’exercice financier commençant le 1er avril 2018, 2,33/15,5 du revenu net provenant de cette taxe;
b)  pour l’exercice financier commençant le 1er avril 2019, 4,65/15,5 du revenu net provenant de cette taxe;
c)  pour l’exercice financier commençant le 1er avril 2020, 6,98/15,5 du revenu net provenant de cette taxe;
d)  pour l’exercice financier commençant le 1er avril 2021, 9,31/15,5 du revenu net provenant de cette taxe;
e)  pour l’exercice financier commençant le 1er avril 2022 et les exercices financiers subséquents, 11,64/15,5 du revenu net provenant de cette taxe.
6( 2) Pour l’application du paragraphe (1), le revenu net provenant de la taxe sur l’essence se calcule comme suit :
A - (B + C)
A  représente le revenu provenant de la taxe sur l’essence;
B  représente le montant des remboursements de cette taxe;
C  représente le revenu provenant de cette taxe qui est partagé conformément à un accord établi selon l’article 11.1 de la Loi sur l’administration du revenu.
6( 3) Ayant perçu la taxe sur le carburant diesel, le ministre des Finances vire immédiatement au Fonds :  
a)  pour l’exercice financier commençant le 1er avril 2018, 2,76/21,5 du revenu net provenant de cette taxe;
b)  pour l’exercice financier commençant le 1er avril 2019, 5,51/21,5 du revenu net provenant de cette taxe;
c)  pour l’exercice financier commençant le 1er avril 2020, 8,27/21,5 du revenu net provenant de cette taxe;
d)  pour l’exercice financier commençant le 1er avril 2021, 11,03/21,5 du revenu net provenant de cette taxe;
e)  pour l’exercice financier commençant le 1er avril 2022 et les exercices financiers subséquents, 13,79/21,5 du revenu net provenant de cette taxe.
6( 4) Pour l’application du paragraphe (3), le revenu net provenant de la taxe sur le carburant diesel se calcule comme suit :
A - (B + C)
A  représente le revenu provenant de la taxe sur le carburant diesel;
B  représente le montant des remboursements de cette taxe;
C  représente le revenu provenant de cette taxe qui est partagé conformément à un accord établi selon l’article 11.1 de la Loi sur l’administration du revenu.
Rapport annuel sur le Fonds
7( 1) À compter de 2019 et à chaque année par la suite, le ministre rédige un rapport sur le Fonds et le présente au comité compétent de l’Assemblée législative.
7( 2) Le rapport comporte ce qui suit :
a)  la description de chacune des sommes portées au crédit et au débit du Fonds pour l’année en question;
b)  la description de chacune des initiatives relativement auxquelles des sommes ont été portées au débit du Fonds pour l’année en question;
c)  la description des sommes portées au débit du Fonds afin de rembourser à la Couronne du chef du Nouveau-Brunswick les dépenses qu’elle a effectuées, même indirectement, pour assurer l’application et l’exécution de la présente loi et de ses règlements;
d)  tous les autres renseignements que prévoient les règlements.
Accords
8( 1) Le ministre peut conclure un accord avec le gouvernement d’une autre province, d’un territoire, du Canada ou encore d’un pays ou d’un État étrangers à toute fin liée à la présente loi.
8( 2) Sans que soit limitée la portée générale du paragraphe (1), tout accord peut prévoir :
a)  la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements, y compris des renseignements personnels;
b)  la reconnaissance des crédits compensatoires qui sont accordés sous le régime des systèmes de réglementation similaires relatifs aux crédits compensatoires établis par d’autres autorités législatives.
8( 3) Sans que soit limitée la portée générale du paragraphe (1), le ministre peut conclure un accord avec le gouvernement du Canada portant sur la tarification du carbone et sur les fonds qui en découlent.
Application
9 Le ministre est chargé de l’application de la présente loi et peut désigner une ou plusieurs personnes pour le représenter.
Règlements
10 Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement :
a)  prévoir les autres gaz ou les catégories de gaz devant être inclus dans la définition de « gaz à effet de serre » à l’article 1;
b)  fixer des objectifs relatifs aux changements climatiques pour l’application du sous-alinéa 4(9)a)(viii);
c)  prévoir les renseignements visés à l’alinéa 7(2)d);
d)  prévoir des dispositions concernant les crédits compensatoires en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de permettre l’atteinte de leurs niveaux cibles fixés à l’article 2, y compris, notamment, concernant :
( i) leurs caractéristiques et leur nature,
( ii) leur création, leur obtention, leur distribution, leur échange, leur négociation, leur vente, leur utilisation, leur variation et leur annulation,
( iii) soit l’application d’exigences, de limites ou d’interdictions concernant leur création, leur obtention, leur distribution, leur échange, leur négociation, leur vente, leur utilisation, leur variation et leur annulation, soit l’autorisation accordée au ministre d’établir des exigences ou des limites à leur sujet,
( iv) la création d’un ou de plusieurs registres publics ainsi que leur fonctionnement et leur gestion,
( v) l’imposition de droits ou de frais,
( vi) la reconnaissance des crédits compensatoires qui sont accordés sous le régime de systèmes de réglementation similaires relatifs aux crédits compensatoires établis par d’autres autorités législatives,
( vii) le versement au Fonds d’une partie ou de la totalité des montants payables au gouvernement du Nouveau-Brunswick par l’effet des règlements pris sous le régime du présent alinéa,
( viii) l’infliction de pénalités administratives pour les contraventions aux règlements pris sous le régime du présent alinéa ou pour les omissions de s’y conformer, leur paiement ainsi que leur exécution, et notamment :
( A) l’autorisation accordée au ministre d’infliger des pénalités administratives et la fixation de leur montant maximal,
( B) l’indication des dispositions des règlements pris sous le régime du présent alinéa à l’égard desquelles peut être remis un avis de pénalité administrative,
( C) la détermination de la forme de l’avis de la pénalité administrative,
( D) l’établissement des montants des pénalités administratives, lesquels peuvent varier, d’une part, en fonction de la nature ou de la fréquence de la contravention ou de l’omission et, d’autre part, selon que le contrevenant ou la personne constatée en défaut de conformité est un particulier ou une personne morale,
( E) l’établissement d’un mécanisme d’appel à l’intention des personnes auxquelles une pénalité administrative a été infligée, dont l’octroi à une personne ou à un organisme déterminés, celui-ci pouvant être un tribunal, du pouvoir d’être saisi d’un appel;
e)  fixer les droits ou les frais pour l’application de la présente loi et de ses règlements;
f)  définir les termes ou les expressions employés mais non définis dans la présente loi pour l’application de celle-ci ou de ses règlements, ou des deux;
g)  prévoir toute autre question jugée nécessaire pour assurer la bonne application de la présente loi.
Entrée en vigueur
11( 1) Sous réserve du paragraphe (2), la présente loi ou l’une quelconque de ses dispositions entre en vigueur à la date ou aux dates fixées par proclamation.
11( 2) Les paragraphes 3(1), (2), (3) et (4) de la présente loi sont réputés être entrés en vigueur le 1er janvier 2016.